Bifurqueurs de l'info

✍️ Infolettre mensuelle d'un jeune journaliste qui tente de participer à la bifurcation de l’info et des médias. Des témoignages et des réflexions sur le travail journalistique pour agir.

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Par Hugo Coignard
31 oct. · 7 mn à lire
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« À BFM, j’avais l’impression d’être un ouvrier de l’info »

La parole à Ryad qui après un passage à BFM Paris a lancé son propre studio de podcast. L'info média que tu ne verras pas sur France Télé. Une question : faut-il supprimer les journalistes politiques ? Enfin, retour sur mon premier procès suite à une enquête pour Mediacités.

💬 Parole à un bifurqueur de l’info

De BFM Paris à la création de son studio de podcast 🎙️

© Frictions.co - DR© Frictions.co - DRRyad Maouche, co-fondateur et rédacteur en chef de Frictions.

Lorsque je l’ai rencontré il y a deux ans, son parcours m’avait marqué. Ryad Maouche, 29 ans, est un jeune journaliste qui, en travaillant pour une chaîne d’info, a su ce qu’il ne voulait plus faire… pour mieux se tourner vers le journalisme qui l’anime. Aujourd’hui, il revient sur sa bifurcation qu’il ne regrette pour rien au monde. 👇

À la fin de ton alternance en 2019 à la chaîne BFM Paris, tu choisis de créer ton studio de podcast. Quel a été le déclic de ta bifurcation ?

Ryad Maouche : Pendant quatorze mois, j’ai appris mon métier de journaliste à BFM Paris. Si c’était une très bonne école, je me suis aussi rendu compte des limites de l’information en continu. Je ressentais le besoin de traiter des sujets d’actualité un peu plus dans la longueur. Ça a été un déclic.

« Frictions, c’était censé être temporaire. […] Finalement, ça ne s’est pas passé comme prévu. »

Le second, ça a été la pandémie. En mars 2020, je me suis inscrit à Pôle Emploi. C’était compliqué de retrouver du travail pendant le premier confinement. Au même moment, mon frère [Walid Rachedi] voulait lancer un média. À la base, il n’est pas du tout journaliste. Il est romancier, et donc davantage tourné vers la littérature. L’information, c’est moins dans son ADN. C’est pour ça qu’il voulait que je le rejoigne. C’était censé être temporaire, en attendant que je trouve un emploi à la sortie du confinement. Finalement, ça ne s’est pas passé comme prévu (rires).

Je me suis associé avec mon frère pour créer Frictions [ndlr : Ryad en est le directeur général]. Ce média est né de la frustration d’auteur de Walid. Il avait du mal à se faire publier par des maisons d’édition. Aussi, il s’est rendu compte qu’il se passe parfois plus de trois ans entre le moment où un texte est proposé à un éditeur et celui où il est publié. Or, Walid écrivait des textes dans l’air du temps. Il avait donc besoin d’une plateforme pour publier ses textes plus rapidement. De mon côté, je ressentais aussi une frustration issue de mon passage à BFM.

© Frictions.co© Frictions.coDescription du média sur le site internet de Frictions.

 Pourquoi étais-tu frustré à BFM Paris ?

J’avais vraiment l’impression d’être un ouvrier de l’info, d’effectuer un travail à la chaîne. Je commençais à peine à comprendre le sujet sur lequel je travaillais que je devais rapidement passer à autre chose, car une actu chasse l’autre. J’avais parfois ce sentiment d’être avalé dans l’actu sans pouvoir la saisir, et donc sans en parler de manière intelligible et intéressante.

« J’avais l’impression d’être au cœur de l’actu, mais sans pouvoir la raconter comme j’aurais aimé. »

Je couvrais les manifs des gilets jaunes pour BFM. Et je ne voyais pas l’intérêt d’aller sur le terrain pour dire qu’une poubelle avait brûlé. J’avais l’impression d’être au cœur de l’actu, mais sans pouvoir la raconter comme j’aurais aimé, avec de la nuance, en allant par exemple chez un gilet jaune pour qu’il explique son inquiétude pour son pouvoir d’achat, ce qui l’a amené à être en colère, et donc à manifester. Le format fait que c’est impossible. C’était assez frustrant. D’autant que le fonctionnement à BFM Paris était très vertical. En théorie, tu peux proposer des sujets à la rédaction en chef. Mais dans les faits, c’est plus compliqué.

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